Présentation générale

 

Cette série vise à identifier des avatars contemporains de la sacralisation de l'objet technique. À chaque innovation technoscientifique, de nouvelles régions du savoir sont construites mais des mystères demeurent. Ils sont généralement réinvestis du sacré par les sujets dont les croyances ont été mises en cause par l’instauration de ces nouveaux savoirs. Donatien Aubert a choisi trois gourous de sectes contemporaines qu’il a identifié comme « Technophiles impénitents ». L'expression, introduite par Simondon, caractérise justement les individus qui espèrent tirer des profits irrationnels des nouveaux dispositifs technologiques, comme l'immortalité ou encore l'accès à des réalités transcendantales et métaphysiques cachées. La série incorpore (par ordre de naissance) les trois gourous suivants, aux systèmes de croyances complètement délirants et paranoïaques : Lafayette Ronald Hubbard (fondateur de la scientologie) ; Marshall Applewhite (fondateur de la secte Heaven's Gate) ; Shoko Asahara (fondateur de la secte Aum Shinrikyo).

 

La série rapporte à chacun des gourous un masque mortuaire modélisé en 3D. Chacun de ces gourous ayant cherché à faire croire à ses fidèles qu’ils vivaient dans une simulation virtuelle, les représenter via des modèles numériques constitue un pied de nez ironique à leurs diktats. Représenter ces masques me permettait de montrer ces personnes comme des avatars dangereux mais passés de l'engouement pour les technologies introduites dans la seconde moitié du XXe siècle. Il est utile de préciser que la période de prospérité de ces sectes s'est faite parallèlement à l'émergence d'internet (et des spéculations entourant la refonte de l'identité personnelle par le biais de la culture numérique).

 

La série existe actuellement sous la forme d’impressions sur plexiglas contrecollées sur aluminium, mais les portraits pourraient aussi être stéréolithographiés ou présentés sous la forme d’hologrammes.

 

 

Par ordre de naissance :

 

  • Ron Hubbard

 

La scientologie hybride, comme les deux autres sectes, des thèmes religieux et des morceaux choisis de science-fiction. Son créateur, Lafayette Ronald Hubbard a su gagner une notoriété colossale en proposant dans les années cinquante des techniques prétendument scientifiques d'équilibre psychique, en particulier grâce à la diffusion de ce que les scientologues appellent l'E-Meter (ou électropshychomètre), en réalité un vulgaire ohmètre, dont ils veulent faire croire qu’il peut mesurer la santé mentale des personnes s'y soumettant. Hubbard soutenait des idées complètement délirantes, aux relents créationnistes. Il affirmait que les êtres humains contemporains seraient les descendants d'extraterrestres dont les esprits auraient été faits prisonniers après la mort de leur enveloppe corporelle. Ils auraient été reconditionnés de sorte à enregistrer l'histoire de l'humanité, avant d'être injectés dans les corps d'hommes préhistoriques. Il estimait sa mythologie capable d’expliquer le développement exponentiel de nos civilisations. Hubbard définit une série de protocoles ayant besoin d'être réalisée par ses fidèles s'ils souhaitent gravir les échelons hiérarchiques : chaque nouveau secret dévoilant l'objet du culte n'est énoncé qu'après une série d'hypnoses, dont certains sortent même amnésiques. La scientologie est devenue un phénomène populaire aux États-Unis, après avoir appâté à son service plusieurs magnats d'Hollywood.

 

 

  • Shoko Asahara

 

Shoko Asahara a lancé en 1984 un club de yoga et de méditation dans le quartier de Shibuya à Tokyo. Après cinq ans de forte croissance, pendant lequel le groupe s'est transformé rapidement en une secte, utilisant des méthodes coercitives à l'égard de ses membres les moins dociles, il a obtenu en 1989 du gouvernement japonais le statut d'organisation religieuse. Shoko Asahara a intéressé le Dalaï-Lama lorsqu'il a essayé de reproduire les états méditatifs obtenus par des moines bouddhistes par le biais d'un dispositif neurotechnologique (en analysant ses ondes cérébrales par un casque neuronal, et en les reproduisant chez d'autres sujets par induction nerveuse). Cherchant à injecter davantage de fonds dans ses recherches et à gagner en pouvoir, Shoko Asahara s'est lancé dans une campagne promotionnelle, multipliant les interviews, publiant des magazines et produisant des dessins-animés. Il a recyclé au sein de l'imagerie de son culte des éléments prélevés aux mangas de science-fiction qui sont venus s'hybrider à des pratiques typiquement bouddhistes, dans le but de les rendre plus accessibles à travers leur modernisation. Le groupe a tristement gagné une notoriété internationale quand il a concrétisé son projet d’attentat au gaz sarin dans le métro tokyoïte, attaque responsable de 12 morts et de 5500 blessés.

 

 

  • Marshall Applewhite

 

En 1970, Marshall Applewhite, se rétablissant d'une crise cardiaque, a persuadé son infirmière, Bonnie Nettles, après avoir vécu une expérience de mort imminente, qu'ils sont les deux témoins de l'Apocalypse dont parle le livre de la Révélation du Nouveau Testament. Ils ont parcouru tous les deux les États-Unis en cherchant à répandre leur système de croyances, basé sur l'idée que la Terre est en phase d'être recyclée. Baignant dans un environnement New-Age, ils ont croisé la mystique chrétienne à une pensée pseudo-scientifique, nourrie d'idées prélevées directement dans la science-fiction. Leur groupe s'est initialement appelé Human Individual Metamorphosis. La secte, constituée de 39 personnes en 1997, a disparu lorsque ses membres se sont suicidés collectivement en ingérant des cocktails vodka-acide barbiturique. Ceux-ci étaient convaincus de vivre dans une simulation virtuelle générée depuis un vaisseau spatial, qu'ils associaient à la comète Hale-Bopp. Ils pensaient pouvoir retrouver le pont du vaisseau, s'ils rompaient le contact avec leur niveau de réalité. Coupure qui ne saurait être effective qu'au moment où la comète (le vaisseau dans leur imaginaire), était au plus proche de la Terre. Marshall Applewhite a su réaliser un torrent médiatique en étant un des premiers groupes religieux à diffuser des vidéos de leur culte sur internet et en envoyant des shoots testamentaires à de grandes chaînes de télévision américaines.

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