Introduction à l'art de la mémoire est une boucle en images de synthèse de 38 secondes, qui devait précéder un court-métrage animé plus long, documentaire, racontant l'histoire des arts de la mémoire de l'Antiquité à nos jours. Chaque étape du documentaire devait être marquée par le passage dans un nouveau locus de mémoire. Le court-métrage devait décrire quels avaient été les épisodes historiques qui ont modifié et contribué à l'enrichissement des arts de la mémoire, que les paragraphes suivants présentent synthétiquement.

 

En Europe, dans l’Antiquité et jusqu’à l’époque baroque, plusieurs méthodes, désignées à la Renaissance du nom d’arts de la mémoire, reposant sur l’immersion dans des espaces mentaux, avaient été mobilisées pour organiser les connaissances. Les techniques afférentes, discutées déjà par Aristote dans le De Memoria et reminiscentia, réclamaient de leurs praticiens, dans leur version la plus célèbre, présentée par l’auteur de la Rhetorica ad Herennium (anonyme) du Ier siècle avant notre ère, ou encore par Cicéron  lui-même (dans le De Oratore et le De Inventione), qu’ils conçoivent pour chaque chose dont ils souhaitaient se remémorer, un espace mental, se référant à un lieu réel ou fictif, au sein duquel ils devaient indexer des allégories ou des images marquantes ; la scansion de ces phantasmata (en grec) ou imagines agentes (en latin), dans les topoï et loci mnémoniques, permettait la réactivation des souvenirs, dans l’ordre où ces images étaient entreposées.

 

Ces espaces mentaux et leurs contenus, partagés ou à l’inverse, totalement personnels, constituaient ce que les rhéteurs appelaient une « mémoire artificielle » ; elle devait parer la volatilité des souvenirs en abusant par un effort de représentation spatiale les procédures « naturelles » de mémorisation du cerveau. Pour leur qualité synoptique, les images mnémoniques ont intéressé les poètes et les peintres. La reconnaissance des processus cognitifs impliqués par la remémoration, comme relevant d’une activité imaginative, mais aussi combinatoire, a également suscité pour ces techniques la passion des logiciens. Leur centralité dans la vie intellectuelle leur a ainsi donné une postérité double : elles ont structuré tant la manière de penser l’organisation des savoirs (logique et computation) que de les donner à voir (de l’avènement du paradigme perspectif à la fondation de la muséologie). Cet héritage hybride les a constituées comme des repères pour le développement des nouveaux médias et notamment de l’infographie tridimensionnelle. De nombreux ingénieurs s’y sont référés par la suite (Ivan Sutherland, Nicholas Negroponte et Jaron Lanier pour ne citer qu’eux) précisément parce que les arts de la mémoire étaient à la croisée de leurs préoccupations et fournissaient un socle théorique capable d’orienter la poursuite de leurs recherches.

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